jeudi 29 décembre 2011

ARÈNE. Sens oublié.

RIDULES DE SABLE. Source: "Le labyrinthe de Sophie" (URL:  http://sophie-g.net/f_titre.htm  ). Photo utilisée avec l'aimable permission  de la photographe.


De nos jours, le mot "arène" signifie principalement l'aire d'un amphithéâtre ou d'un cirque où se déroulent des jeux ou des combats. L'arène, au figuré, c'est aussi le lieu où se jouent les défis qu'on relève, les débats d'idées, les combats politiques. On a oublié qu'autrefois l'arène c'était surtout...du sable. Et ce sable, nommé arène, qu'on jetait sur le sol pour préparer les terrains destinés aux jeux ou aux combats, a laissé son nom au lieu même qu'il couvrait. Commençons par la courte définition de la deuxième édition du Dictionnaire de l'Académie française, parue en 1718; on y lit que l'arène, c'est d'abord du sable, trouvé "principalement aux rivages de la mer & des rivières" . Le sens second ( "se prend quelquefois", lit-on ) c'est " Le terrain de l'Amphithéatre, où se faisoient les combats des Gladiateurs, & ceux des bestes farouches, & que l'on couvroit de sable. (...)". Notez aussi, après la définition, ce mot, "aréneux", qui veut dire "sablonneux". Vous pouvez agrandir les images en les cliquant.

ARÈNE. Dictionnaire de l'Académie française (1718).
Dictionnaire de l'Académie française (1718). Page de titre du tome premier.

La définition du mot "arène", portant d'abord le sens de "sable", dans cette deuxième édition Dictionnaire de l'Académie, est dans le droit fil des définitions des autres dictionnaires de l'époque. Voici la définition qu'on donne dans l'édition de 1728 du Dictionnaire de Pierre Richelet, avec l'orthographe du temps...On précise que l'arène c'est du sable fin. Le haut de la deuxième photo double la fin de la première.

ARÈNE. Début de la définition du Dictionnaire de Pierre Richelet (1728).

ARÈNE. Suite de la définition du Dictionnaire de Pierre Richelet (1728).
Dictionnaire de Pierre Richelet, édition de 1728. Page de titre du tome premier.
Continuons avec la définition du Dictionnaire d'Antoine Furetière, ici dans l'édition de 1701. Cette définition, fort complète, du Furetière, me confirme, une autre fois, la valeur de ce dictionnaire. Remarquez cette expression : "Écrire sur l'arène, se dit de ce qu'on écrit, & qui ne sera pas de durée". Notez cette autre expression: "Bâtir sur l'arène, c'est bâtir imprudemment sur un fond mal assuré, sur du sable mouvant." Et je montre du doigt celle-ci: "consilium in arena", c'est-à-dire une décision prise dans le feu du combat:


ARÈNE. Dictionnaire d'Antoine Furetière. Édition de 1701.
Dictionnaire d'Antoine Furetière (1701). Page de titre du tome premier.
Je termine avec "L'Invantaire des deus langues, françoise, et latine", de Philibert Monet, paru en 1635. Tout, dans cet article du vieux dictionnaire français-latin, confirme que l'arène, c'est du sable. On lit: "Arène, sable, gravier:..."; "Menuë Arène":...; "Terre areneuse, ou sablonneuse:...". Et on lit aussi qu'on charge les navires d'arène "afin d'être plus fermes" ; sans doute pour les lester si je comprends bien. C'est peut-être ici l'origine du mot "aréner", qu'on a vu dans le Richelet et le Furetière, et qui désigne, par exemple, un plancher qui plie sous trop de pesanteur.

Arène. "Invantaire des deus langues" (1635)
"Invantaire des deus langues, françoise et latine", de Philibert Monet (1635).
Après de longues semaines de silence, je suis heureux de vous retrouver, chers lecteurs.  

mardi 20 septembre 2011

Chers lecteurs...

Chers lecteurs, je reprendrai la publication de mes articles dans quelques semaines. Des travaux de peinture et de rénovation à la maison, en plus de me prendre du temps, m'ont obligé à ranger mes vieux dictionnaires; ils viennent de retrouver leurs rayons. À bientôt donc. Ce ne sont pas les sujets qui manquent.

jeudi 14 juillet 2011

CADEAU. Les sens oubliés.






CADEAUX sur une page d'une Bible du XIIIe siècle.
Le mot "cadeau", qui signifie aujourd'hui un présent qu'on offre à quelqu'un, n'avait pas ce sens autrefois. Remontons le temps, et voyons ce qu'en dit, plus bas, Jean Nicot dans son "Thrésor de la Langue Françoise", dont je présente un extrait de l'édition de 1621, ici en fac-similé. Il écrit que "cadeau"  "Est une grande lettre capitale, tirée par maistrise de l'art des Escrivains, ou maistres d'Escriture, à gros traits de plume. Et si toute l'Escriture est de tels cadeaux, on l'appelle Escriture cadelée." Cliquez sur la photo pour voir la définition en gros plan.

CADEAU. "Thrésor de la langue françoise" de Nicot, édition de 1621; fac-similé.

"Thresor de la langue françoise" de Jean Nicot (1621). Page de titre (fac-similé).
Poursuivons ce voyage dans le temps avec "L'Invantaire des deus langues" (Inventaire des deux langues) de Philibert Monet, publié en 1635. Il dit, comme Nicot, qu'un "cadeau", c'est une "lettre tirée à grands, & gros traits". Monet, comme Nicot, ne donne pas d'autre sens au mot "cadeau".

CADEAU . "Invantaire des deus langues" (1635) de Philibert Monet.

"Invantaire des deus langues" (1635) de Philibert Monet. Page de titre.
En avançant dans le temps, découvrons d'autres sens du mot "cadeau". Je fais appel au Dictionnaire de Pierre Richelet, publié la première fois en 1680, présenté ici dans son édition de 1728. Richelet ajoute au sens  de "Trait de plume figuré que les Maîtres à écrire font autour des exemples", que "cadeau" signifie une "Chose spécieuse & inutile". Il donne aussi pour "cadeau": "Grand repas. Au lieu de cadeau, dans ce sens on dit d'ordinaire fête." Je vous laisse lire les citations de Molière et de Gilles Ménage que donne Richelet dans sa définition.

CADEAU. Dictionnaire de Pierre Richelet, édition de 1728
Dictionnaire de Pierre Richelet (édition de 1728), page de titre du tome premier.
Permettez-moi maintenant de vous présenter la définition que donne du mot "cadeau" Antoine Furetière dans son dictionnaire, publié pour la première fois en 1690, présenté ici dans l'édition de 1701, revue par Basnage de Beauval. L'article est excellent, complet, et s'il fallait n'en retenir qu'un, ce serait celui-là. Furetière complète le sens de "cadeau" que donnent ses prédécesseurs: "Grand trait de plume & fort hardi que font les Maîtres Ecrivains pour orner leurs écritures, pour remplir les marges... " ; il ajoute qu'un "cadeau" c'est aussi "...des figures qu'on trace sur les cendres, ou sur le sable, quand on rêve, ou quand on badine." On lit aussi que "cadeau" "se dit figurément des choses qu'on fait mal, ou pour lesquelles on fait trop de frais." Finalement, on lit que "CADEAU se dit aussi des repas qu'on donne hors de chez soi, & particulièrement à la campagne. Les femmes coquettes ruinent leurs galans à force de leur faire faire des cadeaux. Le mari, dans les cadeaux qu'on donne à sa femme est toûjours celui à qui il en coûte le plus. Mol. En ce sens il vieillit." Dans l'exemple des coquettes qui ruinent leurs galants à force de leur faire faire des cadeaux on devine le sens moderne de "cadeau": un présent qu'on offre à quelqu'un pour lui faire plaisir, ou qu'on offre à une belle en espérant des plaisirs...

CADEAU. Dictionnaire de Furetière (édition de 1701).

Dictionnaire de Furetière (1701). Page de titre.

Terminons cette aventure en montrant, dans le "Dictionaire (sic) critique de la langue française" de l'Abbé Féraud, le sens moderne du mot "cadeau" qui apparaît. On lit, dans le corps de la définition : "Plusieurs étendent l'emploi de cadeau, et le font synon. de présent, don, etc. Il m'a fait un joli cadeau; il m'a fait cadeau ou le cadeau d'une tabatière, d'une montre, etc. Cet emploi de cadeau n'est pas du bel usage." Féraud dit que cet emploi "n'est pas du bel usage". L'usage en a décidé autrement. Et l'usage a même chassé les beaux sens que portait autrefois le mot "cadeau". 

CADEAU. Dictionnaire critique de Féraud (1787).
Dictionnaire critique de Féraud (1787). Page de titre du tome premier.
Je remercie "Calamar", un correspondant, qui m'a invité à rédiger un article sur le mot "cadeau". Je souhaite une bonne fête nationale à tous les Français.

lundi 30 mai 2011

TEMPE. Anciennement on disait TEMPLE.

Oeuvre du peintre Danny Ferland
Chers lecteurs, je suis content de vous retrouver, après des semaines de silence. Saviez-vous que la partie latérale de la tête que nous nommons "tempe" de nos jours, s'appelait "temple" anciennement? Voyez, plus bas, des photos du "Dictionnaire des Arts et des Sciences"(1694), lequel est le complément "Arts et Sciences" de la première édition du Dictionnaire de l'Académie française, parue la même année. J'indique rapidement, mais sans les photos, pour ne pas alourdir l'article, que dans l'édition de 1701 du Dictionnaire de Furetière on donne les deux orthographes: "temple" et "tempe". Dans l'édition de 1728 du Dictionnaire de Richelet on ne donne que "temple", comme ici, dans le "Dictionnaire des Arts et des Sciences":

TEMPLE. Dict. des Arts et des Sciences (1694)
Voici la suite:

TEMPLE (Arts et Sciences.1694) Suite de la définition.


Notez aussi ce mot oublié, "templette", dont on dit en 1694 qu'il est vieux; c'est une "sorte de bandelette que les femmes mettent à leur teste" ( anciennement on écrivait "teste" pour "tête"). Voici la page de titre du tome second du Dictionnaire des Arts et des Sciences, d'où je tire ces informations:

Page de titre du "Dictionnaire des Arts et des Sciences" (1694)
Vous aurez remarqué, à gauche, une déchirure. Mon exemplaire a été amputé de ses pages de garde. Quand? Il y a dix ans? Il y a un siècle? Par qui? Par un contrefacteur qui cherchait une page ancienne pour écrire un fausse lettre autographe? Par un voleur qui voulait faire disparaître la provenance du livre? Je regrette cette mutilation, mais on est condamné à acquérir les livres rares dans l'état où on les trouve, et pas toujours dans l'état qu'on souhaite. Leurs défauts ou leurs blessures font partie de leur histoire. 

vendredi 20 mai 2011

Prochain article: lundi.

Chers lecteurs, le mandat professionnel qui me tient occupé depuis plusieurs semaines arrive à terme. Je pourrai présenter un nouvel article lundi. J'aurais aimé vous revenir plus tôt mais le travail me tient captif. Je vous remercie de votre fidélité.

dimanche 10 avril 2011

PUCELAGE. Dictionnaire de Furetière, édition de 1701. Où il est question de "matrones" qui ont examiné une pauvre femme victime de viol.

"Absence". Oeuvre du peintre Denis Jacques.
On lit dans "Le Petit Larousse" (2010): "Pucelage n.m. Fam. Virginité." C'est vrai, mais c'est un peu court.
À la défense du Petit Larousse, il faut noter que c'est un dictionnaire portatif destiné à un large public. On verra, dans l'article que je vous présente ici, qu'on trouve dans les vieux dictionnaires des définitions qui ont beaucoup plus d'extension et qui prennent des libertés qu'on ne trouve plus dans les dictionnaires usuels d'aujourd'hui.
Voici, in extenso, la définition de "pucelage" que je trouve dans l'édition de 1701 du Dictionnaire de Furetière.  Vous verrez que la définition du Furetière ne laisse rien à l'imagination. Dans cette première photo, on lit dans les exemples : "Elle perdit son pucelage avec ses premières dents. Balz." Et on lit aussi : "Un pucelage n'est pas un morceau aussi friand que l'on pense. Oe.M." Et, plus sérieusement, on lit que "Les Médecins modernes tiennent qu'il n'y a aucune marque certaine du pucelage." On y parle aussi des Matrones qui sont "...nommées pour visiter les filles qui se plaignent d'avoir été déflorées..."

Dictionnaire Furetière ( édition de 1701 ).

Dans la seconde photo, ici,  qui est la suite, on dit que des "rapports" contiennent "...quatorze marques du pucelage en des termes particuliers et inconnus..."


Dans la troisième photo, qui montre la suite, on découvre que trois matrones,"...Marie Miran, Christophlette Reine, et Jeanne Porte-poullet jurées de la ville de Paris..." se sont transportées "...dans la ruë de Pompierre dans la maison qui est située à l'Occident de celle où l'Ecu d'argent pend pour enseigne, une petite ruë entredeux, où nous avons vu & visité Olive Tisserand âgé (sic) de trente ans, ou environ, sur la plainte par elle faite en Justice contre Jaques Mudont bourgeois de la  ville de la Roche dur mer, duquel elle a dit avoir été forcée & violée, et le tout vu & visité au doigt & à l'oeil..." ( J'ai transcrit ici exactement l'orthographie du texte du Furetière ). Je note que le nom de la victime, Olive Tisserand, se retrouve ainsi dans un dictionnaire alors que la malheureuse femme était peut-être encore vivante; on ne se souciait vraiment pas à l'époque de la protection des renseignements personnels. Vous verrez dans la  quatrième photo, en bas ce celle-ci, ce que les terribles matrones ont  "vu et visité" chez la pauvre victime.


Voici donc la quatrième photo, qui est en fait le rapport des matrones (du 23 octobre 1672). On ne laisse rien à l'imagination. On explique dans le détail, dans une langue mâtinée d'argot, toutes les blessures de la pauvre victime. En fait, en l'examinant "au doigt et à l'oeil" les matrones ont violé la victime une seconde fois. On lit, entre autres qu'elle a eu "...les baboles abattuës, c'est-à-dire les nymphes (...) le barbidau écorché, c'est-à-dire le clitoris (...) le guillenard élargi, c'est-à-dire le conduit de la pudeur (...) "la dame du milieu retiré, c'est-à-dire l'hymen (...) " :


Pour finir, voici la suite de l'article. On y apprend qu'il y a "des affronteuses qui se disent des rabilleuses de pucelages" et qu'au Pérou "en la Province de Manta on ne marioit les filles, qu'à condition que les plus proches parens, ou amis du marié en jouïroient avant lui, & lui ôteroient son pucelage..." :


Par acquit de conscience, je laisse la suite.


On voit donc que la fréquentation des vieux dictionnaires nous enseigne beaucoup sur les mots et sur les moeurs d'autrefois, parfois bien terribles. D'ailleurs en rédigeant ce nouvel article je pensais au fameux "Congrès" dont j'ai déjà parlé dans ce blogue. 
Vos commentaires sont toujours bienvenus. 

mercredi 30 mars 2011

Chers lecteurs.

Chers lecteurs, je ne vous oublie pas. Ce ne sont pas les sujets d'articles qui manquent, mais je suis pris par des obligations professionnelles qui me laissent moins de temps pour le blogue. Je publierai un nouvel article le 10 avril.

dimanche 6 mars 2011

VOUVOYER ou VOUSSOYER.

On emploie communément, de nos jours, le verbe "vouvoyer" pour décrire l'emploi du pronom "vous" comme signe de politesse, de respect ou de civilité quand on s'adresse à une personne. Mais on a dit longtemps "voussoyer" dans le même sens. En fait, tous les dictionnaires du XIXe siècle que j'ai consultés ne donnent que "voussoyer" ou le préfèrent à "vouvoyer". Voyons ce que dit Émile Littré dans son Dictionnaire:

VOUSSOYER. Dictionnaire de Littré, 1883, tome 4.
VOUSSOYER, suite. Dictionnaire de Littré, 1883, tome 4
On voit que Littré donne "voussoyer" et critique l'emploi de "vouvoyer": il dit que "le mot est mal formé; vous ne peut amener la syllabe voy, tandis que tutoyer est fait de tu et toi." Donc, pour le grand Émile Littré, il faut dire "voussoyer" au lieu de "vouvoyer". Il a sans doute raison, mais l'usage est plus fort que la raison. On dit aujourd'hui "vouvoyer", en tout cas au Québec. Si on dit encore "voussoyer" dans votre coin de pays, dites-le moi. 

Voici deux autres photos, du Bescherelle et du "Grand dictionnaire universel" de Pierre Larousse, qui montrent que les dictionnaires du XIXe siècle donnent "voussoyer". Je n'y trouve jamais le mot "vouvoyer".

VOUSSOYER, VOUSSOYEUR. Dictionnaire Bescherelle, 1887, tome 4.
VOUSSOYER, VOUSSOYEUR, Pierre Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle , tome 15.
J'ai cherché en vain "voussoyer" ou "vouvoyer" dans les deux éditions du Dictionnaire de l'Académie française parues au XIXe siècle ( 1835, 1878 ). Je ne les vois pas non plus dans l'édition de 1932-1935. Je ne trouve ni l'un ni l'autre dans le Dictionnaire de Laveaux (1820). Si je recule, je ne trouve pas "voussoyer" ou "vouvoyer" dans mon édition de 1701 du Dictionnaire de Furetière, ni dans mon édition de 1728 du Dictionnaire de Richelet. Mais si j'avance, je trouve les deux verbes, avec une préférence pour "vouvoyer", dans le "Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française", du grand Paul Robert, dans l'édition de 1964. Voici la photo. J'ajoute la page de titre.

Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, par Paul Robert, 1964, tome 6.

Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, par Paul Robert, 1964. Page de titre du tome 6.
Je note que Paul Robert souligne que Littré a condamné "vouvoyer". On voit donc, au fil des dictionnaires, qu'il faudrait privilégier "voussoyer", mais l'usage moderne impose "vouvoyer". Avant de vous laisser, j'aimerais partager avec vous cette belle citation de l'écrivain Saint-Évremond (1614-1703) que j'ai trouvée, au mot "vous", dans mon dictionnaire de Furetière. La voici, transcrite avec l'orthographe du temps : "Les ornemens sont des beautez étrangeres, & vous n'étes jamais si belle, que lorsqu'on ne voit en vous que vous-même."


VOUS. Dictionnaire de Furetière, édition de 1701, tome 3.
Dictionnaire de Furetière, édition de 1701. Page de titre du tome 3.
Sous le mot "vous", le Dictionnaire de Trévoux, dans son édition de 1771, reprend la belle citation de Saint-Evremond; on voit bien que le Trévoux descend du Dictionnaire de Furetière. Et on dit, dans le corps de la définition : "...on dit vous à tout le monde, il n'y a que les écoliers, les jeunes gens, les petits-maîtres, & les gens de la lie du peuple qui disent toi au lieu de vous." :

VOUS. Dictionnaire de Trévoux, édition de 1771, tome 8.
Le premier ministre du Québec, monsieur Jean Charest, a proposé récemment, dans son discours d'ouverture de la nouvelle session parlementaire, un retour au vouvoiement dans les institutions scolaires. Il a bien raison. Le "vous" est une marque de respect, alors que le "tu" est une marque de familiarité. Le "vous" n'est qu'un signe, mais la civilisation n'est faite que de signes finalement: on tient son verre de vin par le pied, on trinque en regardant sa dulcinée dans les yeux, et on lui dit "vous" le soir en espérant un "tu" le lendemain matin...

Au plaisir de...vous lire, cher lecteur.

lundi 28 février 2011

Prochain article: j'y travaille.

Chers lecteurs, je publierai mon prochain article dès que ce sera possible. Québec vient d'essuyer une bonne bordée de neige et aujourd'hui je dois consacrer mon énergie au déneigement...J'entame un nouveau mandat professionnel et le temps pour écrire se fait plus rare. Je ne vous oublie pas.

mardi 15 février 2011

AUTHEUR devient AUTEUR...MECHANIQUE devient MÉCANIQUE...THRESOR devient TRÉSOR... Autres exemples de la suppression du H silencieux.


Comme promis dans le précédent article, je donne ici d'autres exemples, qui seront les derniers, montrant la disparition du H silencieux au fil des éditions du Dictionnaire de l'Académie française. Je suis comme un chasseur de bartavelles qui en a montré une en trophée et qui vide ensuite sa besace sur la table pour montrer toutes les autres à ses compagnons. Je changerai de volatile dans les prochains articles. J'ajouterai peu de commentaires aux photos, qui parleront très bien seules. Voici comment l'Académie écrivait le mot "auteur" dans la première édition de son Dictionnaire :

AUTHEUR. Dictionnaire de l'Académie française, 1ere édition (1694).
Dans l'édition suivante du Dictionnaire de l'Académie, publiée en 1718, la Compagnie écrit encore AUTHEUR  mais elle reconnaît, entre parenthèses, l'orthographe AUTEUR :

AUTHEUR ( "Quelques-uns écrivent Auteur" ), Dict. de l'Académie française, deuxième édition (1718).
Finalement, dans la troisième édition de son Dictionnaire, parue en 1740, l'Académie laisse tomber définitivement le H silencieux et choisit d'écrire AUTEUR, comme on le fait encore aujourd'hui:

AUTEUR, Dictionnaire de l'Académie française, troisième édition (1740 ).
Poursuivons ce petit tour photographique. Voici, à la suite, le mot MECHANIQUE dans la première édition du Dictionnaire de l'Académie (1694) et avec une nouvelle orthographe, MÉCANIQUE, qui apparaîtra dans la quatrième édition du Dictionnaire, en 1762. La photo du dictionnaire de 1762 est moins nette parce que la  feuille est plus mince et qu'on devine l'impression du verso.

MECHANIQUE. Dictionnaire de l'Académie française, première édition (1694).
MÉCANIQUE. Dictionnaire de l'Académie française, quatrième édition (1762)

Je termine avec l'évolution du mot THRESOR. Dans la première édition du Dictionnaire de l'Académie (1694) on écrit THRESOR; dans la seconde (1718) on écrit encore THRESOR mais on note que certains l'écrivent sans H; dans la troisième (1740) on écrit maintenant TRÉSOR mais en notant que certains écrivent THRÉSOR; et finalement dans la quatrième édition du Dictionnaire de l'Académie on écrit TRÉSOR sans laisser un autre choix. Voici les quatre photos:

THRESOR, Dictionnaire de l'Académie française (1694).

THRESOR, ("...quelques-uns l'escrivent sans H.) Dictionnaire de l'Académie française, deuxième édition (1718).

TRÉSOR ("Quelques uns écrivent Thrésor...") Dictionnaire de l'Académie française, troisième édition (1740)
TRÉSOR, Dictionnaire de l'Académie française, quatrième édition (1762)
On voit donc que l'orthographe change au fil des siècles, et qu'il est parfois utile d'avoir sous la main plusieurs éditions du Dictionnaire de l'Académie française pour le démontrer, et pour permettre au lecteur de saisir par son oeil cette transformation. Mon prochain article lâchera "l'orthographie" ("Ancien synonyme d'orthographe, qu'il conviendrait de reprendre" , écrit Littré dans son Dictionnaire, tome troisième, Paris, 1883).
Vos commentaires sont toujours appréciés. Vous pouvez choisir le profil "anonyme" si vous n'êtes pas inscrit. Ajouté le 16 février: J'invite à lire ici les commentaires intéressants qu'ont envoyés plusieurs lecteurs. Ces commentaires enrichissent si bien cet article qu'il faudra peut-être que je transforme les commentaires en article et que je rabatte l'article en commentaire!