mardi 22 juin 2010

Sens oublié. HAZARD ou HASARD : péril, risque, danger.


Le mot "hasard" signifie de nos jours , comme le dit le Petit Larousse 2010, une "cause imprévisible et souvent personnifiée, attribuée à des événements fortuits ou inexplicables. S'en remettre au hasard. Au hasard : à l'aventure. 2 Événement imprévu. Le hasard d'une rencontre. (...) "
Anciennement, "hasard", qu'on orthographiait aussi "hazard", avait aussi cette signification mais le mot portait également le sens de péril, de risque, de danger. Voyez la définition qu'on trouve dans le Dictionnaire de Pierre Richelet, dans son édition de 1728: on donne d'abord au mot "hazard" le sens de péril avant même de lui donner le sens d'une chose fortuite. Je laisse la définition au complet, sachant que le Richelet n'est pas entre toutes les mains. (Cliquez sur les photos pour les grossir.)




Je complète en partageant avec vous, cher lecteur, un sens méconnu du mot "hazarder":  une viande hazardée c'est une viande qu'on a fait vieillir pour la rendre plus tendre ou pour lui donner plus de fumet. J'ai trouvé cette signification dans l'édition de 1718 du Dictionnaire de l'Académie française. Pour le mot "eclanche", que vous verrez ici dans la définition, voyez ma note à la fin de cet article.

Pour bien souligner que le mot "hazard" portait anciennement le sens de péril, de risque ou de danger, je laisse ici un extrait tiré des Mémoires de Comines, dans cette édition de 1649 que j'ai déjà présentée sur ce blogue. Philippe de Comines écrit ( lignes 3 et 4 ) : " Parquoy on doit bien craindre de se mettre en hazard d'une bataille..."  Vous verrez aussi, à la cinquième ligne, que Comines met au féminin le mot "doute" ( "..., faut mettre avant le coup toutes les doutes dont on se peut adviser." ). Anciennement de bons auteurs, dont Balzac, ont fait "doute" du genre féminin ( Source : Dictionnaire de Trévoux, édition de 1771 ).


Voyez donc, cher lecteur, à éviter les hazards de la vie, mais sachez  accueillir toutes ces choses charmantes que le hasard placera sur votre chemin.


Note sur le mot "eclanche" qu'on a vu  plus haut dans la définition d'une viande hazardée. On remarque que l'Académie écrit dans son exemple "eclanche", sans "s" muet après le premier "e". Mais on ne trouve pas le mot avec cette orthographe dans la suite des définitions du dictionnaire cité. L'Académie l'écrit  plutôt "esclanche".  C'est un signe que l'orthographe est changeante et que même l'Académie s'y laisse prendre. Il faut dire, cependant, que l'Académie a écrit dans une des préfaces de son Dictionnaire qu'en cas de disparité il faut privilégier l'orthographe du mot quand il est écrit en lettres majuscules. Voici la définition du mot "esclanche" dans le même dictionnaire ( Dict. de l'Académie, 1718 ) :

Bon. Mangeons du gigot, ce sera plus simple.

mardi 1 juin 2010

CRÉPUSCULE. Soir ou matin.

Crépuscule du matin. Old Orchard. Photo Pierre Bouillon.
Crépuscule du soir. Berthier-sur-Mer. Photo Pierre Bouillon.
Crépuscule du soir. Photo Claude Mathieu (*)
Crépuscule du matin. Photo Claude Mathieu (*)
Le crépuscule, c'est cette lumière indécise qu'on voit le soir après le coucher du soleil. Tous le savent. Mais c'est aussi, et plusieurs ne le savent pas, ou l'oublient, cette lumière indécise qu'on voit avant le lever du soleil.
On peut très bien dire "crépuscule du soir" ou "crépuscule du matin". Je prends Charles Baudelaire à témoin: on trouve dans "Les Fleurs du mal" un poème qui porte le titre "Le Crépuscule du soir" et un autre qui porte le titre "Le Crépuscule du matin". Voyons, d'abord, la définition que donne l'Académie française, au mot "crépuscule", dans la première édition de son Dictionnaire (1694):


On parle bien, dans cette définition, de deux crépuscules : le crépuscule du soir et le crépuscule du matin. Dans le premier paragraphe : l'Académie dit que le crépuscule, c'est "le temps où la lumière est encore faible"  . J'y vois une allusion au début du jour, vu que la lumière est "encore" faible. D'autres y verront un début de nuit, alors que la lumière est encore faible, avant de s'éteindre. On fait suivre d'un exemple où on parle du crépuscule du soir : "Il n'estoit pas tout-à-fait nuit, il y avoit encore un peu de crépuscule." La définition de la seconde édition du Dictionnaire (1718), bien que plus courte, me semble plus claire. Un signe, d'ailleurs, que cette seconde édition n'est pas qu'une simple mise en ordre alphabétique de l'ordre par mots Primitifs adopté par celle de 1694 :


Les anciens dictionnaires qui parlent de crépuscule parlent non seulement des crépuscules du soir et du matin mais donnent parfois la priorité au crépuscule du matin. Voyez la définition du Dictionnaires des Arts et des Sciences (1694) publié par l'Académie . Ne lisez que le début, qui peut suffire :


Vous aurez noté, dans la photo ci-haut, qu'on écrit : "...il y a aussi un crépuscule du soir qu'on appelle Vespre."(...) C'est très juste. D'ailleurs j'ai la nette impression qu'avant 1694 on employait plutôt le mot "vêpre" que le mot "crépuscule". Je ne trouve pas le mot "crépuscule" dans l "Invantaire des Deus Langues Françoise et Latine" du Père Philibert Monet, publié en 1635, mais j'y trouve les mots "vespre", "vesprée", ''vepre", "veprée" déclinés dans de nombreux sens apparentés au déclin du jour ou au crépuscule. Au risque de vous lasser, cher lecteur, voici la liste complète donnée par Monet :



Vous aurez peut-être noté, au bas de la première photo de l'Invantaire , que selon Monet le mot "vêpre" a aussi le sens de l'occident, de l'ouest si on veut. Il écrit : "Le Canada est au vepre de la France. (...)"
Nous sommes ici en 1635. Le père Monet parle du Canada, et non pas de la Nouvelle-France.
Le mot "vêpre", au sens de "soir" ou de "fin du jour" est sans doute ancien parce que l'Académie elle-même le donne vieux en ce sens dans l'édition de 1694 de son Dictionnaire :


Je termine cet article, déjà un peu long, en vous amenant ailleurs avec la définition de "Vêpres Siciliennes" que donne le Dictionnaire de Pierre Richelet dans son édition de 1728. Je la donne parce que vous verrez en fin d'article que Richelet se permet, à l'occasion, de faire dans son Dictionnaire des commentaires qu'on ne pourrait pas imaginer dans les dictionnaires modernes : "...& la France s'en souviendra long-tems".


Dans un article que je publierai prochainement j'essaierai de montrer la différence entre l'aube et l'aurore.
Je le dis tout de suite, selon moi, l'aube précède l'aurore; l'aurore c'est quand les premiers rayons du soleil apparaissent.

(*) Deux des quatre photos qui coiffent cet article ont été prises par monsieur Claude Mathieu, résident de Cap-aux-Oies, non loin de Québec, dans le beau comté de Charlevoix. Monsieur Mathieu, maintenant retraité, a été caméraman pendant de nombreuses années à la Colline parlementaire de Québec pour les chaînes de télévision CFCF-CTV. Monsieur Mathieu détient le "copyright" pour ces deux photos. Je le remercie de m'avoir permis de les utiliser pour cet article.