jeudi 30 décembre 2010

Prochain article mardi ou mercredi.

Je remercie tous ceux qui m'ont écrit pour m'inviter à continuer ce blogue... Donc, à mardi ou à mercredi.

lundi 27 décembre 2010

Fin prochaine de ce blogue.

Frontispice de la première édition du Dictionnaire de l'Académie française (1694)

Ajout du 8 janvier 2011. Ce blogue continue. Plusieurs lecteurs, qui me font l'honneur de me lire, m'ont demandé de continuer. Je les remercie pour leur intérêt et pour leur support. Je laisse tout de même ici mon premier message, surtout pour les généreux commentaires qui sont en bas de page.

Cher lecteur, à l'approche du nouvel An, l'heure des grandes décisions sonne! J'ai décidé de mettre fin à ce blogue prochainement. L'achalandage du blogue est assez bon ( une vingtaine de lecteurs quotidiennement ) mais les commentaires sont trop rares pour les efforts que je consacre aux articles. Ce n'est pas un blogue marchand et ma seule récompense c'est de partager des connaissances et d'échanger avec d'autres amateurs. Las d'écrire sans retour, sauf pour quelques fidèles que je salue, je produirai encore un dernier article mais la belle aventure se terminera là.  Je  voulais présenter les autres éditions du Dictionnaire de l'Académie française qui me restent à montrer (1762, 1740, 1718, 1694) mais la tâche, sans appui, me semble bien lourde.

mardi 21 décembre 2010

ANNE HÉBERT. Conte de Noël oublié.


Anne Hébert. Date inconnue. Photographe inconnu.


À l'occasion des Fêtes, je vous présente un conte de Noël de l'écrivaine Anne Hébert (1916-2000). Ce conte, aujourd'hui oublié, a pour titre "Trois petits garçons dans Bethléem". Il a été publié en décembre 1937 dans la revue "Le Canada français" (vol. XXV, numéro 4), une publication de l'Université Laval. Il ne tient là que sur trois courtes pages. C'est, au meilleur de ma connaissance, la première publication d'un texte littéraire d'Anne Hébert. Elle n'avait que 21 ans à l'époque. Ce conte de Noël marque ainsi les débuts d’une grande écrivaine qui a remporté de nombreux prix littéraires. Elle nous donnera, et je ne nomme que quelques titres : ''Les Songes en équilibre" (1942, poèmes), "Le Torrent" (1950, nouvelles), "Le Tombeau des rois" (1953, poèmes), "Les Chambres de bois" (1958, roman), le célèbre "Kamouraska" (1970, roman), "Les Enfants du sabbat" (1975, roman), "Les Fous de Bassan" (1982, roman)...

Je veux non seulement partager avec vous le texte de ce conte de Noël d’Anne Hébert, mais vous présenter aussi un exemplaire assez rare de ce conte qui est dans ma collection ‘’ Anne Hébert ‘’, constituée surtout de livres et de lettres de l’écrivaine. Ce sont des photos de cet exemplaire qui coiffent cet article. Il s’agit d’une plaquette d’un petit format carré. Il y a quatre pages. La couverture, jaune-ocre, est en papier fort légèrement gaufré. On voit, imprimé sur la couverture : le titre, le nom d’Anne Hébert, et les mots ‘’Joyeux Noël et Bonne Année’’, en rouge, en bas à gauche. Un envoi manuscrit de l’écrivaine entoure les souhaits. On lit : ‘’À mon cher Jean (Joyeux Noël et Bonne année) Ta petite sœur Anne.’’ 

L’écrivaine a eu deux frères, Jean et Pierre, et une sœur, Marie, qui mourra jeune adulte. Cet exemplaire autographié n’est pas daté mais il est sans doute lui aussi de décembre 1937. Il est probable qu’Anne Hébert, à l’occasion de la publication de son conte de Noël dans ‘’Le Canada français’’, a choisi d’offrir en cadeau pour les Fêtes une édition spéciale de son conte aux membres de sa famille ou à des prochesCette hypothèse est validée par l’existence d’un autre exemplaire du conte, semblable au mien, qui est au Centre de conservation de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, à Montréal. Il y a encore une dédicace d’Anne Hébert autour des souhaits imprimés. On lit : ’’ À ma chère tante Aline (Joyeux…) et baisers affectueux Anne’’. On voit donc qu’Anne Hébert était fière de son conte, assez en tout cas pour le publier en plaquette et pour en envoyer des exemplaires dédicacés pour les Fêtes.
Dans  le numéro de décembre 1937 du "Canada français" où on trouve ‘’Trois petits garçons à Bethléem’’, il y a aussi un texte du père d’Anne, Maurice Hébert, qui était critique littéraire. Il est permis de croire qu'il a parrainé sa fille Anne pour qu'on publie ses premiers textes dans une revue où il avait ses entrées. D’ailleurs on voit parfois cohabiter ailleurs dans cette revue, les mêmes mois, les noms du père et de la fille qui publient chacun leur texte. C’est le cas en avril 1938, en décembre 1938 et en avril 1939.
Je remercie Bibliothèque et Archives nationales du Québec et le Service des périodiques de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale du Québec pour leur collaboration .

Voici donc ce beau conte de Noël d’Anne Hébert que je peux présenter ici grâce à l’aimable permission de la succession d’Anne Hébert:


Conte de Noël

« Trois petits garçons dans Bethléem » (1937), par Anne Hébert.



Ils étaient trois petits garçons, en cette nuit de Noël, trois petits garçons dans Bethléem.

Trois petits garçons qui dormaient, couchés en boule sur la paille d’un grenier.

Tout à coup une grande clarté envahit leur refuge; la paille devient fine et brillante comme l’or, les glaçons qui pendent aux fenêtres semblent d’argent, et les vieilles poutres brunies sont de bronze.

Mais cette belle lumière n’est pas suffisante pour les réveiller tout à fait; ils sont si fatigués, les trois petits garçons…

Avant de se manifester dans la chambre, le miracle a commencé en eux. Et c’est la lumière de leurs cœurs purs qui devance l’étoile pour annoncer aux petits la naissance de Jésus.

Ils se lèvent et se regardent, émerveillés, l’âme lourde du secret promis aux enfants sages, depuis quatre mille ans, et révélé à eux en cette nuit de Noël.

Trois petits garçons rompent la longue file de tous ces malheureux enfants d’avant Jésus-Christ, de ces pauvres petits pour qui Noël n’exista pas, qui ne connurent jamais cette douce attente du mystère, qui n’ont jamais mis leurs souliers dans la cheminée et qui dormaient, sans excitation, comme d’habitude, à cette date de la naissance du Sauveur.

Tous les trois, se tenant la main, ils s’acheminent vers la Crèche, les premiers enfants du monde à goûter l’extase de cette marche illuminée vers le petit Jésus.

Trois petits garçons graves et recueillis commencent de former le premier chaînon de la chaîne éternelle de tous les enfants du monde, tendue vers le petit Jésus de la Crèche.

La terre est durcie, il y a de la neige dans les coulées et le ciel est clair comme en plein jour. Un sauveur enfant nous est né !

Au loin, dans les ruines d’un vieux château, resplendit la misérable étable où Marie, repoussée de toutes parts, est venue abriter son fils.

L’étoile s’est arrêtée là, et les trois petits bonshommes avancent, la fixant avec tendresse.

Sur la route, il y a foule comme aux plus grands jours de fête. Une foule pressée, ardente, soulevée par le désir de voir le Messie promis par les prophètes, et que l’ange leur a dit qu’ils trouveraient dans une crèche.

Ces premiers appelés, comme ils sont pauvres ! Il n’y a que les pauvres, les riches ne sont pas éveillés, eux.

Les bergers ont amené leurs femmes et leurs fils, afin de partager avec eux la grande joie de contempler Jésus.

Ils trouvent Marie et Joseph avec l’Enfant enveloppé de langes et couché dans une Crèche.

L’Enfant a froid, le bœuf et l’âne le réchauffent de leur haleine, et eux, les petiots, ils voudraient tant faire quelque chose pour réchauffer Jésus. Ils voudraient tant le réchauffer ! Ils ne savent que l’aimer…

Ils se tiennent en arrière, et, les yeux sur l’Enfant, ils ne savent que l’aimer en silence.

Quelques bergers ont apporté des présents à Jésus et à sa Mère : un agneau, une colombe. Et les petits sont tristes, parce qu’ils n’ont rien à donner à Jésus. Ils avaient tant hâte de le voir qu’ils n’ont pensé à rien d’autre.

Voilà que Jésus les regarde, et Marie leur fait signe d’avancer.

Jésus les regarde et ce regard demande de l’aimer parfaitement. Les enfants répondent  « oui » et ouvrent leur cœur tout grand. Ils n’ont rien à donner que leur cœur, et Jésus le prend.

Oh ! ce regard de Jésus, cet appel à l’amour, et ce simple « oui » qu’il faut répondre ! Il faut être ou redevenir enfant pour comprendre cela.

Parce qu’ils n’ont pas marchandé et qu’ils ont tout donné, ils ont tout reçu.

Trois petits garçons s’en reviennent de la Crèche; naïvement, ils tiennent leurs yeux baissés, afin de garder longtemps sous leurs paupières le regard de Jésus; sur leur poitrine, ils ont croisé leurs bras, pour conserver longtemps sa paix.

Ils s’en reviennent de la Crèche, trois petits garçons, mal vêtus, pieds nus, mais tellement riches que ce n’est qu’à genoux que se conçoit pareille richesse.

Les Mages viendront après eux, emportant de magnifiques présents, mais Jésus leur enseignera la seule science nécessaire, celle des trois petits qui ne savaient pas autre chose que d’aimer.

Les Mages viendront, et d’autres après; des rois, des mendiants, et nous, ceux de maintenant. Et Jésus nous demande de ne rien connaître, de tout oublier, hors d’apprendre à l’aimer tout simplement.

Ils étaient trois petits garçons, en cette nuit de Noël, trois petits garçons dans Bethléem.


Anne Hébert

                                                      
(Source : mon exemplaire de "Trois petits garçons dans Bethléem" )

Vos commentaires sont bienvenus.

P.S.: Un lecteur que j'estime, chercheur à ses heures, grand cycliste, mais que je ne peux pas nommer parce qu'il pratique l'humilité, a eu la gentillesse de me transmettre l'acte de baptême d'Anne Hébert. Le voici :

Acte de baptême d'Anne Hébert. Source : Fonds Drouin.