lundi 24 septembre 2012

Lettre d'Anne Hébert. 15 avril 1982. Elle annonce que son nouveau roman s'appellera "Les Fous de Bassan". Aussi, tristesse et nostalgie dans cette importante lettre inédite.

Anne Hébert. Lettre du 15 avril 1982. Page 1 de 2.
Anne Hébert. Lettre du 15 avril 1982. Page 2 de 2.
Les Fous de Bassan. Éditions du Seuil, sept. 1982

Je vous présente aujourd'hui une deuxième lettre, inédite, de la grande écrivaine canadienne Anne Hébert (1916-2000). Dans cette lettre, écrite de Menton (Alpes-Maritimes), Mme Hébert annonce à son frère et confident, Pierre Hébert, que son nouveau roman, qui sera publié à l'automne, s'appellera "Les Fous de Bassan". L'écrivaine confie: "... je ne suis pas encore séparée de mes personnages et de leur histoire sauvage"On découvre aussi dans cette lettre la tristesse d'Anne Hébert quand elle pense à la mort de son père et à la vieillesse prochaine. L'écrivaine a aussi la nostalgie des étés de son enfance et elle est triste en pensant à son chat disparu. Une lettre importante. Note: pour voir la lettre en grosseur maximale: clic droit avec votre souris pour "ouvrir le lien", puis clic gauche pour grossir avec la loupe; revenir avec votre bouton "retour de page".
Voici la transcription de cette lettre. Je n'omets ici qu'un seul paragraphe, un aparté qui touche la vie du destinataire. Les caractères gras sont de ma main. Donc:

Menton, le 15 avril 1982
Mon cher Pierre,
Me voici à Menton pour les vacances de Pâques. Ça manque terriblement de soleil sur la côte d'Azur! Temps couvert. Mais pas de pluie. Longues promenades au bord de la mer agitée et très belle.
Mon roman est terminé et exceptionnellement bien accueilli par mes éditeurs. Il paraîtra à l'automne. Mais je ne suis pas encore séparée de mes personnages et de leur histoire sauvage. J'y pense encore très souvent. Impossible pour l'instant de songer à écrire autre chose. Cela s'appelle Les Fous de Bassan. J'espère tellement que cela va t'intéresser et te plaire.
Le jour de Pâques cette année nous rappelle un bien triste anniversaire. Déjà 22 ans que Papa nous a quittés. Le temps passe si vite et bientôt nous serons vraiment vieux. Il est vrai qu'étant le bébé de la famille pour moi tu es toujours jeune.
(...)
J'ai bien hâte de voir ta nouvelle cuisine à Ste-Catherine. Deux éviers en innox. C'est une grande amélioration. Ton ancien évier était vraiment petit et bas sur pattes. Et les ronds de la cusinière marchent-ils tous afin de faciliter la tâche du cuisinier? J'aurai certainement le temps de faire de la compote et de la confiture si cela t'intéresse, car je compte passer l'été au Canada. Un bon mois à Saint-Joseph-de-la-Rive. Pour le reste je ne suis pas encore décidée. Mais j'ai la nostalgie des étés entiers passés à la campagne dans mon enfance et ma jeunesse.
Et à Québec? As-tu terminé ton installation? Je retourne à Paris le 21 avril, après deux semaines à Menton. Cela va être triste de rentrer chez moi sans Minou qui m'attend derrière la porte pour me faire fête.
Je t'embrasse bien affectueusement.
Anne

Je termine cet article avec deux photos. La première montre la couverture d'un livre écrit par le père d'Anne Hébert, M. Maurice Hébert. Le titre:  "Et d'un Livre à l'Autre" (Montréal, 1932, Éditions Albert Lévesque). Ce sont des "Nouveaux essais de critique littéraire canadienne".
La seconde photo montre une ancienne photographie de monsieur Hébert et la dédicace qu'il a écrite dans son livre à l'occasion de l'anniversaire de sa femme Marguerite. On lit : "Bonne fête Marguerite, de la part de tes enfants et de ton vieux mari. Maurice. Le 21 février 1933."
Couverture du livre de Maurice Hébert, "Et d'un Livre à l'Autre" (1932)
Photo de Maurice Hébert. Dédicace pour sa femme Marguerite sur une page de garde de "Et d'un Livre à l'Autre" (1932)

Si vous possédez des lettres d'Anne Hébert, écrivez-moi un mot si vous envisagez de les vendre. On peut me joindre par courriel à cette adresse: pierrebouillon1@gmail.com
Je vous souhaite, cher lecteur, une belle journée.

vendredi 21 septembre 2012

Lettre d'Anne Hébert . 29 novembre 1970. ...la saison des Prix littéraires...la Crise d'Octobre...y-a-t-il de la neige à Québec?...Paris...


Anne Hébert. Lettre du 29 novembre 1970 (recto).

Anne Hébert. Lettre du 29 novembre 1970 (verso).


Je vous présente aujourd'hui une lettre manuscrite de la grande écrivaine Anne Hébert (née en 1916 à Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier, morte à Montréal en l'an 2000). Dans cette lettre, écrite à Paris le 29 novembre 1970, l'écrivaine se confie à son frère et confident Pierre Hébert. Note: pour voir la lettre en très gros plan: clic droit de votre souris pour "ouvrir l'onglet", puis clic gauche pour grossir avec la loupe. Cliquer sur votre bouton "retour" pour revenir à l'article.
Voici le contexte: en France, lors de la saison des Prix littéraires, le chef d'oeuvre de Mme Hébert, "Kamouraska" (Le Seuil) a raté par une voix le prix Théophraste-Renaudot, accordé au septième tour, par quatre voix contre trois, à "Isabelle ou l'arrière-saison" (La Table Ronde) de Jean Freustié; au Québec, on vit encore les heures noires de la Crise d'Octobre. Pour mémoire, cette grave crise politique a ébranlé le Québec et le Canada au mois d'octobre 1970. Elle débute à Montréal le 5 octobre 1970  lorsque des terroristes du Front de Libération du Québec (FLQ) enlèvent l'attaché commercial britannique James Cross. Le 10 octobre, une autre cellule du FLQ enlève Pierre Laporte, ministre du travail et de l'immigration. Le 16 octobre, répondant à une demande du gouvernement du Québec, le gouvernement canadien proclame la Loi des mesures de Guerre qui bannit le FLQ et suspend les libertés civiles. Le 17 octobre, on trouve dans un coffre de voiture le cadavre de M. Pierre Laporte, mort aux mains de ses geôliers. Au début du mois de décembre, les felquistes qui détiennent James Cross sont repérés et le libèrent en échange d'un sauf-conduit vers Cuba. Quatre semaines plus tard les felquistes qui avaient enlevé Pierre Laporte sont arrêtés puis condamnés. (Source: "The Canadian Encyclopedia, 1988, tome 3, page 1558).
C'est dans ce climat qu'Anne Hébert écrit, de Paris, le 29 novembre 1970, à son frère Pierre qui demeure à Québec. Voici la transcription intégrale de la lettre (c'est moi qui met les caractères gras et certains alinéas):

Paris, le 29 novembre 1970
Mon cher Pierre,
Je ne crois pas pouvoir aller à Québec au moment de Noël, comme je te le disais dans ma dernière lettre. "La saison des prix" m'a pas mal fatiguée et puis la tension politique que je devine au Canada m'effraye un peu, et puis tout ce froid de l'hiver en perspective... Je crois qu'il serait préférable que j'y aille au printemps. À ce moment-là il sera plus facile d'aller à Ste-Catherine. J'ai hâte de voir tes dernières transformations et de connaître enfin Dupont et Dupond. Si tu es toujours d'accord nous pourrions alors choisir ensemble des nouveaux rideaux.
J'espère que tu te portes toujours bien et que ton retour à chasse et pêcheries s'est bien passé? Y a-t-il de la neige à Québec? Continues-tu toujours d'aller à Ste-Catherine?
Ici la température est toujours très belle, chaude et ensoleillée. Un mois de novembre extraordinaire. Lorsque je me promène dans le quartier, St-Germain, St-Michel, St-Séverin, la Huchette, les quais, surtout rue Git-le-Coeur je voudrais tant que tu sois là. Nous pourrions aller dîner au petit Maxime. La serveuse me demande toujours de tes nouvelles.
Écris-moi bien vite. Je t'embrasse. Anne
Je joins à cet article, pour le compléter, deux photos qui montrent l'enveloppe de la lettre:


Je vous souhaite, cher lecteur, une belle journée.

jeudi 20 septembre 2012

Rare "seconde édition" du Dictionnaire de l'Académie française (1696).

Dictionnaire de l'Académie française ("seconde édition" de 1696). Page de titre du tome premier.
Chers lecteurs, je reprends aujourd'hui la publication de mon blogue en vous présentant un exemplaire rare de la "seconde édition" du Dictionnaire de l'Académie française, parue en 1696. Il s'agit d'une impression hollandaise. Dans un article de la Bibliothèque des Chartes publié en 1888 sur les Premières éditions du Dictionnaire de l'Académie française (*) on écrit, en parlant de cette édition : "Il paraît que c'est un livre très rare, même dans les Pays-Bas". Si ce livre était déjà "très rare" en 1888, il est sans doute encore plus rare en 2012. J'ai acquis cet exemplaire d'un libraire allemand il y a quelques années.
Cette "seconde édition" de 1696 suit la première édition du Dictionnaire de l'Académie, parue en 1694. On doit cette édition de 1696 à Marc Huguetan, citoyen d'Amsterdam, qui aurait agi comme prête-nom pour les Coignard, éditeurs officiels du Dictionnaire de l'Académie de 1694. Ils auraient, par cette "réimpression spéciale, assuré leurs droits contre les contrefacteurs hollandais" (source: Félix Courtat, dans sa "Monographie du Dictionnaire de l'Académie française", Paris, 1880, chez Henri Delaroque). Courtat parle ici d'une édition de 1695 que je n'ai jamais vue mais ses explications rejoignent pour le principal celles qu'on trouve dans l'article de la Bibliothèque des Chartes où on dit également que Huguetan agissait de connivence avec les Coignard.
Mon exemplaire est un in-folio qui réunit les deux tomes du Dictionnaire de l'Académie. Le volume a une humble reliure cartonnée, sans doute en attente d'une reliure de qualité. Les pages sont à l'état brut, non-rognées. Voici quelques photos. Note: les photos sont en haute résolution; cliquez avec le bouton droit de votre souris pour "ouvrir le lien", puis cliquez, avec le bouton gauche de votre souris, sur la loupe (le +). Les pages prendront vie! Cliquez sur votre bouton "retour" pour revenir à l'article.




Je complète cette présentation avec la première page de l'épître "Au Roy..." pour en montrer la gravure, par la page du Privilège hollandais, et par la première page des A. Donc:




Je termine cet article en mettant, côte à côte, les gravures des pages de titre du premier tome des éditions de 1694 et de la "seconde édition" de 1696. La gravure de l'édition de 1694 est photographiée avec ma montre de poche.

Gravure de la page de titre de la première édition du Dictionnaire de l'Académie française (1694)

Gravure de la page de titre de la "seconde édition" du Dictionnaire de l'Académie française (1696)

La véritable seconde édition du Dictionnaire de l'Académie française est parue en 1718. Cela dit, la "seconde édition"  de 1696 que je viens de vous présenter sommairement m'est très chère; elle est importante dans l'histoire du Dictionnaire de l'Académie parce qu'elle est du même sang, si je puis dire, que la première édition de Paris, mais exilée aux Pays-Bas.

Ce dictionnaire de 1696, que je viens de vous présenter, est complété par "Le grand dictionnaire des Arts et des Sciences", paru la même année, chez le même éditeur. J'y reviendrai quand je présenterai la véritable première édition du "Dictionnaire des Arts et des Sciences", parue en 1694.

(*) : Lien URL qui mène à cet article, fort intéressant: http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1888_num_49_1_462593