lundi 25 janvier 2010

Dictionnaire de l'Académie française. Huitième édition (1932-1935).



Dictionnaire de l'Académie française. Huitième édition (1932-1935).

Cher lecteur, je commence aujourd'hui à vous présenter un à un mes dictionnaires de l'Académie française.
J'en présenterai un par semaine, en remontant jusqu'à la première édition, celle de 1694, la plus rare, la plus recherchée.
Vous voyez sur la photo mon exemplaire de la huitième édition (1932-1935), la seule édition du Dictionnaire, bien complète, publiée par l'Académie au vingtième siècle. La neuvième édition a commencé à paraître dans le même siècle mais elle n'est pas encore terminée.
Cette huitième édition est en deux tomes, comme toutes les précédentes éditions du Dictionnaire de l'Académie française. J'ai placé les volumes entre deux exemplaires du "Petit Larousse", que tous connaissent, pour bien montrer la taille de cette édition du Dictionnaire de l'Académie. Les deux tomes de ce dictionnaire sont des in-quarto, mais d'un tel format, qu'ils sont aussi grands, sinon plus, que certains in-folio. Tout dépend de la surface originale de la feuille de papier qu'on pliera. Dans la correspondance qui a mené à l'achat de ce dictionnaire, par internet, en Allemagne, le libraire m'avait envoyé quelques photos "en nu" si je puis dire, et je ne me doutais pas que les deux tomes seraient aussi gros. J'attendais un dictionnaire plus petit. Les ventes sur internet nous réservent parfois d'heureuses surprises.
Vous aurez remarqué que les cuirs des reliures n'ont pas la même couleur. Le tome premier est brun tête-de-nègre tandis que le second est brun marron. Cette photo, prise un autre jour à la lumière rasante du soleil du petit matin, le montre bien :


Je m'inquétais de cette différence quand j'ai acheté les volumes. Finalement j'aime cette disparité qui nous rappelle que le premier tome est paru en 1932 et le second en 1935. J'ai vu un autre exemplaire dernièrement et la couleur des cuirs est dépareillée comme le mien.
Les plats supérieurs des volumes sont chacun frappés d'une adorable tête de Minerve dorée, déesse protectrice de l'Académie française. Voici deux photos: un gros plan et un plan large :


Voici maintenant la page de titre du tome premier ainsi que la première page de la lettre "A".
Souvent, avant d'acheter par internet, je demande une photo de ces deux pages parce qu'elles permettent de vérifier l'édition, par la page de titre, et l'usure aussi: ce sont souvent les premières pages qui ont le plus souffert dans les vieux livres. Le papier de ce dictionnaire est un peu décevant; je l'aimerais moins poreux, plus glacé finalement. Il me fait penser au papier du Grand Robert de 1965 qui laisse une impression de papier brouillon.

 

Cet exemplaire du Dictionnaire de l'Académie française est en excellent état extérieur et intérieur. En exceptant les pages accessoires, le tome premier (A-G) a 622 pages; le tome second  (H-Z) en a 743.
Chaque dictionnaire a sa personnalité, et chaque dictionnaire de l'Académie a la sienne propre. Je n'ai acquis cette huitième édition que récemment et je ne l'ai pas assez consultée pour faire sentir son originalité  par rapport aux précédentes éditions. Plutôt que de dire n'importe quoi je préfère m'abstenir. Je note cependant une belle lisibilité du texte et une netteté dans les définitions que j'ai lues.
C'est un dictionnaire qui charme par sa beauté simple et attique. Le contenu est sans doute excellent.
Cette huitième édition n'est pas rare mais on ne la voit pas souvent. J'ai d'ailleurs raté de peu un exemplaire que proposait un libraire français. Si vous trouvez un exemplaire de ce dictionnaire en bel état, achetez-le, sinon vous risquez de regretter de l'avoir laissé passer. Je n'en vois pas sur AbeBooks.com, sauf une réimpression de plus de 800 euros ! Cherchez l'original, ce sera moins cher que la copie.
Je ne puis m'empêcher de souligner que ce dictionnaire de l'Académie française est né en France, dans les difficiles années '30, alors que montaient en puissance dans l'Allemagne voisine ceux qui plongeraient l'Europe dans la guerre et l'horreur nazie.

mercredi 13 janvier 2010

Une collection exceptionnelle de dictionnaires et d'encyclopédies.

Cher lecteur, je vous invite de nouveau à visiter l'exceptionnelle collection de dictionnaires et d'encyclopédies d'autrefois du collectionneur belge Pierre De Witte. C'est peut-être, en main privée, la plus riche collection d'anciens dictionnaires ou encyclopédies du monde occidental. Voici le lien URL : http://www.dico-collection.com/

lundi 11 janvier 2010

Mots oubliés. MÂTINER, S'AMÂTINER. Accouplement indigne.

Ces verbes, "mâtiner" et  "amâtiner", sans être rares, sont peu communs. On ne les entend jamais et il a fallu que je consulte plusieurs de mes anciens dictionnaires pour connaître les tenants et les aboutissants de chacun de de ces verbes qui descendent du mot "mâtin".
Un "mâtin", c'est d'abord "un gros chien servant ordinairement à garder une cour, à suivre les chevaux, etc."  ( Dictionnaire Littré, 1883, tome troisième, page 474 ). C'est aussi, toujours selon Littré, un "Terme d'injure populaire. Mâtin, mâtine, celui, celle qu'on assimile à un mâtin, à un chien." On le dit aussi des chiens de race hybride. Ceci dit,  nous pouvons passer au coeur de notre propos. 
"Mâtiner", signifie d'abord un chien de race différente ou inférieure qui couvre une chienne. Par extension, "mâtiner" se dit d'une "femme qui s'est mariée à un homme indigne d'elle". Le mot veut dire aussi "maltraiter de paroles" ainsi que "broyer". Lisez la définition que donne le Littré .


Le verbe "amâtiner" est aussi  dans le Littré; sa définition rejoint le premier sens de "mâtiner": " Faire couvrir une chienne par un mâtin" ( Dictionnaire Littré, tome premier, page 123 ). On trouve aussi "amâtiner" dans le "Grand Dictionnaire Universel" du XIXe siècle de Pierre Larousse qui dépanne souvent le chercheur de mots rares ou oubliés. On y apprend que "amâtiner" (et  même "amastiner" ) veut dire aussi qu'une chienne est couverte par un mâtin, comme "mâtiner" finalement. Mais on lit aussi que "s'amâtiner", en parlant d'une femme, c'est se prostituer ou se livrer au premier venu. Notons en passant que dans les vieux dictionnaires on ne parle habituellement que de la prostitution chez les femmes, comme s'il n'y avait jamais de prostitution chez les hommes. Nous reviendrons à une autre occasion sur le sexisme, omniprésent dans les anciens dictionnaires. Voyez la définition du "Grand Dictionnaire Universel" ( cinquième mot à partir du haut ):


Vous aurez peut-être remarqué dans la photo ci-haut le mot "amatiner", sans accent circonflexe, qui signifie "Faire lever quelqu'un matin. Il est bon d'amatiner de bonne heure les enfants.(...)". On trouve aussi dans le "Nouveau Dictionnaire National"  par Bescherelle Aîné (1887) le sens de lever matinal au mot "amatiner", s'il n'y a pas d'accent circonflexe, et celui d'accouplement avec un "mâtin" ou de prostitution si on met un accent circonflexe pour faire "amâtiner". Voici l'extrait du Bescherelle:


Résumons. Lorsqu'on parle des chiens, "mâtiner" signifie que la chienne est couverte par un mâle d'une race inférieure ou différente. Lorsqu'on se sert de ce mot, "mâtiner", pour parler d'un mariage, d'une union ou d'amours charnelles il se prend en mauvaise part. Une femme qui est mariée à un homme indigne d'elle est mâtinée, et si elle s'amâtine, elle se prostitue ou s'abandonne au premier venu. La littérature, grande ou petite, a souvent traité ce thème de la femme qui s'abandonne corps et âme à un homme qui n'est pas de son rang. Je pense ici aux amours torrides de Lady Chatterley et du garde-chasse Oliver Mellors. Les méchantes langues diront que la belle Constance "s'amâtinait" avec le garde-chasse. Elle l'aimait avec passion, tout simplement, dans cet abandon charnel qui défie les castes et les mots.

( Titre de l'oeuvre : "Vesper". Artiste : Denis Jacques )

Soyez donc prudent avec le mot "amatiner" : sans accent circonflexe pour se lever tôt, mais avec accent circonflexe pour veiller tard ! Message aussi aux jusqu'au-boutistes de la réforme de l'orthographe : un humble accent circonflexe fait basculer le sens d'un mot selon qu'on le met ou qu'on l'enlève.

Note complémentaire: par extension, "mâtiné" a aussi le sens de "qui est mêlé de" comme dans "il parle un français mâtiné d'espagnol"  ( Dictionnaire de l'Académie française, huitième édition, 1932-1935 ).