jeudi 30 décembre 2010

Prochain article mardi ou mercredi.

Je remercie tous ceux qui m'ont écrit pour m'inviter à continuer ce blogue... Donc, à mardi ou à mercredi.

lundi 27 décembre 2010

Fin prochaine de ce blogue.

Frontispice de la première édition du Dictionnaire de l'Académie française (1694)

Ajout du 8 janvier 2011. Ce blogue continue. Plusieurs lecteurs, qui me font l'honneur de me lire, m'ont demandé de continuer. Je les remercie pour leur intérêt et pour leur support. Je laisse tout de même ici mon premier message, surtout pour les généreux commentaires qui sont en bas de page.

Cher lecteur, à l'approche du nouvel An, l'heure des grandes décisions sonne! J'ai décidé de mettre fin à ce blogue prochainement. L'achalandage du blogue est assez bon ( une vingtaine de lecteurs quotidiennement ) mais les commentaires sont trop rares pour les efforts que je consacre aux articles. Ce n'est pas un blogue marchand et ma seule récompense c'est de partager des connaissances et d'échanger avec d'autres amateurs. Las d'écrire sans retour, sauf pour quelques fidèles que je salue, je produirai encore un dernier article mais la belle aventure se terminera là.  Je  voulais présenter les autres éditions du Dictionnaire de l'Académie française qui me restent à montrer (1762, 1740, 1718, 1694) mais la tâche, sans appui, me semble bien lourde.

mardi 21 décembre 2010

ANNE HÉBERT. Conte de Noël oublié.


Anne Hébert. Date inconnue. Photographe inconnu.


À l'occasion des Fêtes, je vous présente un conte de Noël de l'écrivaine Anne Hébert (1916-2000). Ce conte, aujourd'hui oublié, a pour titre "Trois petits garçons dans Bethléem". Il a été publié en décembre 1937 dans la revue "Le Canada français" (vol. XXV, numéro 4), une publication de l'Université Laval. Il ne tient là que sur trois courtes pages. C'est, au meilleur de ma connaissance, la première publication d'un texte littéraire d'Anne Hébert. Elle n'avait que 21 ans à l'époque. Ce conte de Noël marque ainsi les débuts d’une grande écrivaine qui a remporté de nombreux prix littéraires. Elle nous donnera, et je ne nomme que quelques titres : ''Les Songes en équilibre" (1942, poèmes), "Le Torrent" (1950, nouvelles), "Le Tombeau des rois" (1953, poèmes), "Les Chambres de bois" (1958, roman), le célèbre "Kamouraska" (1970, roman), "Les Enfants du sabbat" (1975, roman), "Les Fous de Bassan" (1982, roman)...

Je veux non seulement partager avec vous le texte de ce conte de Noël d’Anne Hébert, mais vous présenter aussi un exemplaire assez rare de ce conte qui est dans ma collection ‘’ Anne Hébert ‘’, constituée surtout de livres et de lettres de l’écrivaine. Ce sont des photos de cet exemplaire qui coiffent cet article. Il s’agit d’une plaquette d’un petit format carré. Il y a quatre pages. La couverture, jaune-ocre, est en papier fort légèrement gaufré. On voit, imprimé sur la couverture : le titre, le nom d’Anne Hébert, et les mots ‘’Joyeux Noël et Bonne Année’’, en rouge, en bas à gauche. Un envoi manuscrit de l’écrivaine entoure les souhaits. On lit : ‘’À mon cher Jean (Joyeux Noël et Bonne année) Ta petite sœur Anne.’’ 

L’écrivaine a eu deux frères, Jean et Pierre, et une sœur, Marie, qui mourra jeune adulte. Cet exemplaire autographié n’est pas daté mais il est sans doute lui aussi de décembre 1937. Il est probable qu’Anne Hébert, à l’occasion de la publication de son conte de Noël dans ‘’Le Canada français’’, a choisi d’offrir en cadeau pour les Fêtes une édition spéciale de son conte aux membres de sa famille ou à des prochesCette hypothèse est validée par l’existence d’un autre exemplaire du conte, semblable au mien, qui est au Centre de conservation de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, à Montréal. Il y a encore une dédicace d’Anne Hébert autour des souhaits imprimés. On lit : ’’ À ma chère tante Aline (Joyeux…) et baisers affectueux Anne’’. On voit donc qu’Anne Hébert était fière de son conte, assez en tout cas pour le publier en plaquette et pour en envoyer des exemplaires dédicacés pour les Fêtes.
Dans  le numéro de décembre 1937 du "Canada français" où on trouve ‘’Trois petits garçons à Bethléem’’, il y a aussi un texte du père d’Anne, Maurice Hébert, qui était critique littéraire. Il est permis de croire qu'il a parrainé sa fille Anne pour qu'on publie ses premiers textes dans une revue où il avait ses entrées. D’ailleurs on voit parfois cohabiter ailleurs dans cette revue, les mêmes mois, les noms du père et de la fille qui publient chacun leur texte. C’est le cas en avril 1938, en décembre 1938 et en avril 1939.
Je remercie Bibliothèque et Archives nationales du Québec et le Service des périodiques de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale du Québec pour leur collaboration .

Voici donc ce beau conte de Noël d’Anne Hébert que je peux présenter ici grâce à l’aimable permission de la succession d’Anne Hébert:


Conte de Noël

« Trois petits garçons dans Bethléem » (1937), par Anne Hébert.



Ils étaient trois petits garçons, en cette nuit de Noël, trois petits garçons dans Bethléem.

Trois petits garçons qui dormaient, couchés en boule sur la paille d’un grenier.

Tout à coup une grande clarté envahit leur refuge; la paille devient fine et brillante comme l’or, les glaçons qui pendent aux fenêtres semblent d’argent, et les vieilles poutres brunies sont de bronze.

Mais cette belle lumière n’est pas suffisante pour les réveiller tout à fait; ils sont si fatigués, les trois petits garçons…

Avant de se manifester dans la chambre, le miracle a commencé en eux. Et c’est la lumière de leurs cœurs purs qui devance l’étoile pour annoncer aux petits la naissance de Jésus.

Ils se lèvent et se regardent, émerveillés, l’âme lourde du secret promis aux enfants sages, depuis quatre mille ans, et révélé à eux en cette nuit de Noël.

Trois petits garçons rompent la longue file de tous ces malheureux enfants d’avant Jésus-Christ, de ces pauvres petits pour qui Noël n’exista pas, qui ne connurent jamais cette douce attente du mystère, qui n’ont jamais mis leurs souliers dans la cheminée et qui dormaient, sans excitation, comme d’habitude, à cette date de la naissance du Sauveur.

Tous les trois, se tenant la main, ils s’acheminent vers la Crèche, les premiers enfants du monde à goûter l’extase de cette marche illuminée vers le petit Jésus.

Trois petits garçons graves et recueillis commencent de former le premier chaînon de la chaîne éternelle de tous les enfants du monde, tendue vers le petit Jésus de la Crèche.

La terre est durcie, il y a de la neige dans les coulées et le ciel est clair comme en plein jour. Un sauveur enfant nous est né !

Au loin, dans les ruines d’un vieux château, resplendit la misérable étable où Marie, repoussée de toutes parts, est venue abriter son fils.

L’étoile s’est arrêtée là, et les trois petits bonshommes avancent, la fixant avec tendresse.

Sur la route, il y a foule comme aux plus grands jours de fête. Une foule pressée, ardente, soulevée par le désir de voir le Messie promis par les prophètes, et que l’ange leur a dit qu’ils trouveraient dans une crèche.

Ces premiers appelés, comme ils sont pauvres ! Il n’y a que les pauvres, les riches ne sont pas éveillés, eux.

Les bergers ont amené leurs femmes et leurs fils, afin de partager avec eux la grande joie de contempler Jésus.

Ils trouvent Marie et Joseph avec l’Enfant enveloppé de langes et couché dans une Crèche.

L’Enfant a froid, le bœuf et l’âne le réchauffent de leur haleine, et eux, les petiots, ils voudraient tant faire quelque chose pour réchauffer Jésus. Ils voudraient tant le réchauffer ! Ils ne savent que l’aimer…

Ils se tiennent en arrière, et, les yeux sur l’Enfant, ils ne savent que l’aimer en silence.

Quelques bergers ont apporté des présents à Jésus et à sa Mère : un agneau, une colombe. Et les petits sont tristes, parce qu’ils n’ont rien à donner à Jésus. Ils avaient tant hâte de le voir qu’ils n’ont pensé à rien d’autre.

Voilà que Jésus les regarde, et Marie leur fait signe d’avancer.

Jésus les regarde et ce regard demande de l’aimer parfaitement. Les enfants répondent  « oui » et ouvrent leur cœur tout grand. Ils n’ont rien à donner que leur cœur, et Jésus le prend.

Oh ! ce regard de Jésus, cet appel à l’amour, et ce simple « oui » qu’il faut répondre ! Il faut être ou redevenir enfant pour comprendre cela.

Parce qu’ils n’ont pas marchandé et qu’ils ont tout donné, ils ont tout reçu.

Trois petits garçons s’en reviennent de la Crèche; naïvement, ils tiennent leurs yeux baissés, afin de garder longtemps sous leurs paupières le regard de Jésus; sur leur poitrine, ils ont croisé leurs bras, pour conserver longtemps sa paix.

Ils s’en reviennent de la Crèche, trois petits garçons, mal vêtus, pieds nus, mais tellement riches que ce n’est qu’à genoux que se conçoit pareille richesse.

Les Mages viendront après eux, emportant de magnifiques présents, mais Jésus leur enseignera la seule science nécessaire, celle des trois petits qui ne savaient pas autre chose que d’aimer.

Les Mages viendront, et d’autres après; des rois, des mendiants, et nous, ceux de maintenant. Et Jésus nous demande de ne rien connaître, de tout oublier, hors d’apprendre à l’aimer tout simplement.

Ils étaient trois petits garçons, en cette nuit de Noël, trois petits garçons dans Bethléem.


Anne Hébert

                                                      
(Source : mon exemplaire de "Trois petits garçons dans Bethléem" )

Vos commentaires sont bienvenus.

P.S.: Un lecteur que j'estime, chercheur à ses heures, grand cycliste, mais que je ne peux pas nommer parce qu'il pratique l'humilité, a eu la gentillesse de me transmettre l'acte de baptême d'Anne Hébert. Le voici :

Acte de baptême d'Anne Hébert. Source : Fonds Drouin.


mercredi 17 novembre 2010

POIVRER. Sens oublié.


Il y a des mots qu'on utilise régulièrement et qui portent, en secret si je puis dire, un sens figuré qu'on a oublié. Prenons, aujourd'hui, le mot "poivrer", qui signifie, au plus simple, "assaisonner de poivre". Saviez-vous qu'anciennement le mot "poivrer" signifiait aussi la transmission d'un "mal" ou d'une maladie vénérienne ? On peut poivrer à la table mais il ne faut pas poivrer au lit ! On trouve cette définition dans la deuxième édition du Dictionnaire de l'Académie française (1718) :

Dictionnaire de l'Académie française (1718)

Bien sûr, dans les dictionnaires anciens, c'est toujours la femme qui a le mauvais rôle. Dans l'exemple fourni  en haut on écrit "...en parlant d'une femme qu'on soupçonne avoir donné du mal à un homme, on dit, que C'est elle qui l'a poivré." On ne parle pas des femmes qui se sont fait "poivrer" par des hommes. Lisons maintenant une définition semblable que je trouve dans le Dictionnaire de Furetière ( seconde édition, 1701, revue, corrigée et augmentée par Basnage de Beauval ) :

Dictionnaire d'Antoine Furetière (1701)
Vous aurez remarqué la citation : " Toi louve, toi guenon, qui m'a si bien poivré. S.Amant " On ne peut pas dire que c'est un compliment qu'on fait à la gent féminine. Bon, les rédacteurs des dictionnaires prennent les citations qu'ils peuvent trouver, mais ils y a certainement des loups qui ont "poivré" des chaperons rouges. Je continue en vous montrant la définition du Dictionnaire de Pierre Richelet ( édition de 1728 ). Là encore, tout le mal vient des "femmes débauchées" et des "filles de joie". Voyez les paragraphes marqués d'un astérisque ou d'une croix. Cliquez sur la photo si l'image est trop petite ( et cliquez sur votre "retour de page" pour revenir; pas sur le X de votre page d'ordinateur ).

Dictionnaire de Pierre Richelet ( édition de 1728 )
Vous aurez remarqué qu'on trouve dans le dictionnaire de Richelet la même citation de S.Amant qu'on a vue dans le dictionnaire de Furetière, mais plus complète :"Toi louve, toi guenon, qui m'a si bien poivré Que je ne croi jamais en être délivré" S. Amant. ( Je transcris sans corriger ). Le pauvre diable a été sérieusement poivré. Mais au moins ses souffrances lui ont assuré une place dans deux grands dictionnaires ! Nous allons terminer cet article avec le Dictionnaire d'Émile Littré ( 1883, tome troisième ). On peut y lire au point 2 que "poivrer" c'est aussi "laver un oiseau avec de l'eau et du poivre, pour tuer la vermine, ou pour l'assurer quand il est farouche." Et au point 3 on dit que "poivrer" c'est "faire payer trop cher". Les autres grands dictionnaires donnent aussi ces sens mais je ne les ai pas relevés pour rester centré  sur mon sujet. Finalement, au point 4 on revient sur le sens de "communiquer une maladie honteuse". Et nous tombons sur une autre citation qui brocarde la gent féminine : "Pour se venger d'un homme, elle prit du mal exprès pour le poivrer", Tallemant des Réaux, dans Les Excentricités du langage.

Dictionnaire d'Émile Littré ( 1883 )

Mais d'où vient qu'on ait choisi le mot "poivrer" pour désigner la communication d'une "maladie honteuse" ? Il faut savoir qu'on appelle "chaude-pisse" ou "chaude-lance" la gonorrhée ou blennorragie, une maladie vénérienne qui donne une impression de brûlure pendant la miction. Je suppose que la pauvre victime se sent "poivrée" justement. 
Donc messieurs, évitez de fréquenter les filles de joie. La facture est toujours salée. Et on peut se faire poivrer.



mercredi 20 octobre 2010

" Faire ziste et zeste ". Supplément à l'article précédent.

Je complète ici, cher lecteur, l'article précédent où j'ai développé le sens des mots "zeste", "zist" et "zest" et de l'expression "Être entre le zist et le zest." Au risque de zézayer, je vous présente un autre expression : "faire ziste et zeste".
Nous l'avons vu dans l'article précédent, "Être entre le zist et le zest" c'est être indécis, incertain, balancer les raisons de part et d'autre, ou encore se dit en parlant d'une chose qui n'est ni bonne ni mauvaise. L'expression que je vous présente aujourd'hui, "Faire ziste et zeste" sonne comme la précédente mais elle n'a pas le même sens.
C'est mon dictionnaire d'Émile Littré (1883, tome quatrième) qui m'a mis sur cette piste pendant mes recherches. Je mets au complet, tant qu'à y être, ses deux articles sur "zest" et "zeste". L'expression "Faire zist et zeste" ("zist" sans "e" à la fin selon le texte de Littré ) ou "Faire et ziste et zeste" ("ziste" avec un "e" à la fin selon l'exemple cité) est à la fin de la deuxième photo. Cette expression veut dire "agiter vivement, çà et là" . On cite l'auteur Champmeslé qui écrit : "Devant vous faire et ziste et zeste avec sa pique" dans sa pièce "Le Parisien" ( Acte II, scène 8 ).




Je vous laisse aussi une photo que j'ai prise du texte même de la pièce "Le Parisien" de Champmeslé où on trouve la tournure "faire et ziste et zeste". J'ai trouvé le texte grâce à Google "Livres". Ce sont ici deux photos de mon écran d'ordinateur.

Extrait "Le Parisien", Acte II, scène 8 
"Oeuvres de Monsieur de Champmeslé", Première partie, exemplaire de 1742
Monsieur de Champmeslé est en fait Charles Chevillet, auteur dramatique et comédien français, né à Paris en 1645 et mort en 1701. Son épouse était Marie Desmares, célèbre tragédienne française, née à Rouen en 1641, morte à Auteuil le 15 mai 1698. Elle a incarné avec brio les rôles féminins du grand Racine, dont elle fut la maîtresse. "(...) On a prétendu même que la Champmeslé l'ayant prié de lui faire un rôle où toutes les passions fussent réunies, il choisit le sujet de Phèdre et le traita exprès pour elle." (...) "Son talent, naturellement froid, s'enflammait au contact de la passion; elle était sublime alors et électrisait son auditoire." (...) (Source : Grand Dictionnaire Universel de Pierre Larousse, tome troisième, page 904). 
La tragédienne était sans doute enflammée, sublime et électrisante en des lieux plus secrets...



lundi 18 octobre 2010

ZESTE. ZIST. ZEST. Être entre le zist et le zest.



Cher lecteur, j'essaie de démêler ici, pour vous comme pour moi, la signification des mots ZESTE, ZIST et ZEST, sans oublier cette expression oubliée ou méconnue : "Être entre le zist et le zest."
Commençons par ce qui est le plus simple: ZESTE. C'est comme nous le savons tous, "la partie mince et colorée qu'on coupe sur le dessus d'une écorce d'une orange, d'un citron, d'un cédrat, etc."  Le zeste c'est aussi, ce qui est moins connu, "la cloison membraneuse qui divise en quatre l'intérieur d'une noix."  Je cite ici la huitième édition du Dictionnaire de l'Académie française (1932-1935):

Dict. de l'Académie française, 8e édition (1932-1935)

 L'orthographe a changé depuis le XVIIIe siècle. Dans l'édition de 1771 du Dictionnaire de Trévoux on donne "zest" ou "zeste" pour la pellicule qui est au milieu de la noix ( mais "zest" dans l'exemple pertinent) et on donne "zest", sans "e" à la fin, pour "le petit morceau de l'écorce superficielle d'orange, de citron..." On y apprend aussi qu'un "zest" c'est "un petit instrument, avec lequel on souffle de la poudre sur les cheveux, ou sur une perruque." Et nous lisons aussi dans le Trévoux que "zest" se dit aussi quelquefois pour "montrer qu'on ne fait point cas d'une chose, qu'elle est de nulle valeur, comme le zest qui est au milieu de la noix."
Et finalement le dictionnaire ajoute : "Entre le ziste & le zeste. Entre deux, passablement, là là, tant bien que mal". Je reviendrai plus bas sur cette expression. Voici tout l'article du dictionnaire de Trévoux ( il suffit de cliquer sur la photo pour l'agrandir) :



Dictionnaire de Trévoux , 8e édition (1771)

Revenons sur l'expression "Entre le ziste et le zeste" que nous venons de lire dans le Dictionnaire de Trévoux. On la trouve également dans la seconde édition du Dictionnaire de l'Académie française, celle de 1718. Je crois même que c'est dans ce dictionnaire de l'Académie qu'on enregistre pour la première fois cette expression si j'en crois la date que donne, pour cette expression, l'excellent "Dictionnaire historique de la langue française", 1992, Dictionnaires Le Robert, à Paris". Voici la photo qui montre la définition que donne l'Académie, au mot "zist" en 1718:


Dict. de l'Académie française, 2e édition (1718)
"Entre le zist & le zest" veut dire "Une chose ni bonne ni mauvaise" selon cette deuxième édition du Dictionnaire de l'Académie (1718) alors que le Trévoux de 1771 écrit pour sa part, comme nous l'avons vu plus haut: "Entre le ziste & le zeste. Entre deux, passablement, là là, tant bien que mal". L'Académie et le Trévoux ne le disent pas de la même façon mais on comprend l'idée. Dans la huitième édition du dictionnaire de l'Académie française (1932-1935), au mot "ZEST" ( sans "e" final, mais on le prononce! ) on joint les définitions du Dictionnaire de Trévoux de 1771 et du Dictionnaire de l'Académie de 1718 pour en faire une qui est plus complète finalement:


Dict. de l'Académie française, 8e édition (1932-1935)
Donc, dit l'Académie : "(...) Être entre le zist et le zest, qui se dit d'une Personne indécise, incertaine, ou d'une Chose qui n'est ni bonne ni mauvaise." 
Mais, et c'est là la grande question: qu'est-ce qu'un "ZIST" ? Si vous cherchez "ZIST" dans la plupart des dictionnaires contemporains ou anciens, et vous pouvez le vérifier à domicile, on vous enverra au mot "ZEST" , qui ne vous dira pas non plus ce que "ZIST" veut dire, sinon pour souligner qu'il est dans l'expression "entre le zist et le zest". C'est comme demander ce qu'est une "orange" et se faire envoyer à une définition du mot "pomme" qui se contenterait de dire "comparer des pommes et des oranges"... Mais les lecteurs de ce blogue savent qu'ils obtiendront toutes les réponses s'ils ont la patience de lire les articles jusqu'à la fin ! Voici la réponse, ou en tout cas une réponse. Et c'est le grand Émile Littré qui nous la donne dans son excellent dictionnaire:

Dict. d'Émile Littré (1883)
Pour Littré donc, un "ZIST", pour "quelques-uns", c'est "l'écorce intérieure des oranges ou l'enveloppe blanche qui est au-dessous du zeste". C'est la seule définition de "ZIST" que j'ai trouvée et, vous le savez, je possède de nombreux dictionnaires. Je m'accroche donc à Littré comme à une bouée de sauvetage! Cette définition, rare, du mot "ZIST" pourrait donc expliquer l'origine de l'expression "entre le zist et le zest" qui marque un parti indécis, une zone incertaine...Car finalement, zestez une orange: il y a bien peu entre le zist et le zeste. Cet article m'a épuisé. Je lui donnerai un Supplément prochainement. Je mérite un dry martini, peut-être relevé d'un zeste de citron. J'hésite. Je suis "entre le zist et le zest".

vendredi 8 octobre 2010

Dict. de l'Académie française (1798); le Supplément, au complet.


Cher lecteur, je vous avais promis, dans le précédent article, de mettre en ligne tout le "Supplément contenant les mots nouveaux en usage depuis la Révolution." qu'on trouve à la fin de la cinquième édition du Dictionnaire de l'Académie française, celle de 1798. Je vous offre ici  les douze pages de ce Supplément. On y trouve plusieurs mots, parfois durs, nés pendant la période révolutionnaire ou ayant acquis de nouvelles acceptions, et ceux qui décrivent le système métrique, nouvellement adopté. Voici les photos; pour bien lire vous devrez sans doute cliquer une première fois sur la photo de votre choix et utiliser ensuite la "loupe" de votre ordinateur. Pour revenir sur le blogue, cliquez sur votre "retour de page" ( pas sur le X qui vous ferait quitter le blogue ). Donc:
ACC-ADM



ADR-BRU



BUL-CON

CON-DEM


DEP-ERE


FAN-HEC

IMM-KIL

LAN-MIL

MIN-PET

PHI-REV

SAN-TRI
...TRI-VOC

Voilà! Vous avez tout le "Supplément, contenant les mots nouveaux en usage depuis la Révolution." qu'on trouve à la fin de la cinquième édition du Dictionnaire de l'Académie française (1798). Ce Supplément est le principal intérêt de cette édition.

mercredi 8 septembre 2010

Dictionnaire de l'Académie française. Cinquième édition ( 1798 ).


Cher lecteur, je continue aujourd'hui la présentation des éditions du Dictionnaire de l'Académie française, ici avec la cinquième édition, celle de 1798. Je remonte toujours le temps. J'ai déjà présenté la huitième édition (1932-1935), la septième (1878) et la sixième (1835). Avec celle que je présente aujourd'hui nous entrons au XVIIIe siècle, qui a vu paraître quatre éditions du Dictionnaire : celles de 1798, de 1762, de 1740 et de 1718.
L'exemplaire que je vous présente est en deux volumes de format in-quarto et c'est ce format qu'on voit toujours. Le tome premier a 768 pages et le second  776 pages, en excluant les pages "accessoires". Cette édition a  aussi été publiée en format in-folio mais on ne la voit jamais. Voici les deux pages de titres :



Voici la première page des définitions, ce que j'appelle communément la " page des A ". Il suffit de cliquer sur l'image pour la voir en gros plan, et de cliquer une seconde fois au besoin pour un très gros plan. Pour revenir, cliquez sur votre "retour de page", pas sur le "X" de votre ordinateur.

Cette cinquième édition paraît donc en 1798, sous le Directoire, alors qu'on n'est pas encore sorti de la tourmente révolutionnaire. L'Académie française avait été "supprimée, le 8 août 1793, par un décret de la Convention, et incorporée, en 1795, dans l'Institut national, sous le nom de classe de la langue et de la littérature françaises. La Restauration lui rendit l'organisation qu'elle avait eue dans l'origine." ( Grand dictionnaire universel du XIXe siècle de Pierre Larousse, tome premier, page 43 ). Il y a même eu une Loi qui a prévu les conditions de l'édition et de l'impression de ce dictionnaire. Elle est reproduite au début du tome premier. On y apprend, à l'article 1 que : "L'Exemplaire du Dictionnaire de l'Académie Françoise, chargé de Notes marginales et interlinéaires, actuellement déposé à la Bibliothèque du Comité d'Instruction publique, sera remis aux libraires Smits, Maradan et Compagnie, pour être rendu public après son entier achèvement". On apprend, à l'article 2 que "Lesdits Libraires prendront, avec des Gens-de-Lettres de leur choix, les arrangements nécessaires pour que le travail soit continué et achevé sans délai." Et l'article 3 ( de six ) prescrit que "L'Édition sera tirée à quinze mille Exemplaires." J'en ai un ! Voici ce texte de Loi, reproduit ainsi dans le tome premier :




Le principal intérêt de ce dictionnaire c'est le Supplément qui le termine. On y consigne les mots entrés dans le langage pendant la période révolutionnaire ou encore qui y ont gagné une nouvelle acception. On trouve donc les mots du nouveau sytème de mesure, le système métrique. Mais ce qui est troublant, c'est la lecture des mots qui témoignent de l'horreur révolutionnaire. Il y a bien sûr "guillotine" :


Cette nouvelle acception du mot "fournée" :

Et ce mot terrible, aujourd'hui oublié , "septembrisade" :

Et ce mot, "noyades" :


Je pourrais ajouter d'autres mots semblables. On sent bien que les mots sont porteurs des idées, des objets et des évènements de leur époque. Les connaître, c'est revivre un peu le passé. Dans un prochain article je donnerai les photographies des douze pages de ce Supplément. Vous pourrez les consulter à loisir.
Je note en terminant que le Discours préliminaire qui est au début du tome premier de cette édition de 1798 est de la main de Dominique-Joseph Garat ( 1749-1833 ), avocat, écrivain, professeur et un politique caméléon qui a pris la couleur de tous les régimes de son époque. Le Grand dictionnaire universel du XIXe siècle dit que "ce fut Garat qui, en qualité de ministre de la justice, fut chargé de signifier au roi sa condamnation". On raconte aussi que Garat se plaignait, en route, de cette "affreuse commission". Le mot "guillotine" est bien dans ce dictionnaire de 1798 que Garat présente au début du tome premier...

samedi 4 septembre 2010

Prochain article : jeudi.

Chers lecteurs, je publierai mon prochain article jeudi. Je mène deux ou trois projets de front et j'ai finalement arrêté le sujet. Je confesse que je multiplie les vérifications avant de publier depuis que j'ai appris que l'Académie française débat, à huis clos, de chaque nouvel article que je publie.
Dernière heure : publication dès mercredi.

lundi 16 août 2010

Ce blogue a un an.


Ce blogue a un an. Bon, un an à une journée près. Je ne veux pas attendre minuit une pour allumer la chandelle.J'ai publié mon premier article le 17 août 2009; il y en a maintenant une cinquantaine. Plus de neuf mille lecteurs sont venus sur le site; je suis du nombre: mon "Statcounter" comptait au début mes propres visites et les compte encore si j'accède au blogue par mon Blackberry. Le lectorat est principalement européen, suivi du Québec et un peu, au jugé, de l'Afrique francophone. Les pages les plus populaires sont le "dromadaire à deux bosses", les autographes de trois survivantes du Titanic, le mot "dépendamment", l'autographe de l'épouse de Victor Hugo ( Adèle Foucher ), et "le congrès, épreuve sexuelle". J'accueille avec prudence ce palmarès parce que je crois que le "Statcounter" ne tient compte que des deux mille dernières visites et donne largement en avance la page de bienvenue du blogue qui a contenu, à un moment ou à un autre, tous les sujets abordés.
Ce blogue n'est pas commercial et ne le deviendra pas. Je veux garder une liberté absolue pour le choix éditorial et je ne veux pas me préoccuper de la vente de certains exemplaires. Plutôt que le commerce, fort légitime d'ailleurs et que je ne prends pas en mauvaise part, c'est l'amour de la langue française et des vieux dictionnaires qui me guide. J'aime aussi l'Histoire, ce qui explique la présentation de quelques autographes de personnages historiques.Je montre à l'occasion les oeuvres d'excellents artistes du Québec mais je n'ai pas de liens commerciaux avec eux, seulement ceux de l'amitié.
On me demande parfois comment je choisis de traiter d'un mot plutôt qu'un autre. Pour écrire un article du blogue je n'ouvre jamais un vieux dictionnaire pour y choisir au hasard ou par paresse un mot rare ou méconnu. Ce sont plutôt les mots qui me trouvent. Je consulte régulièrement mes vieux dictionnaires, parfois à la recherche d'un mot dont je ne connais pas le sens, ou encore à la recherche d'un autre mot que je veux mieux connaître. Quand je tourne les pages pour trouver ce mot j'en rencontre d'autres qui m'arrêtent. Quand, finalement, je lis la définition du mot que je cherchais, d'autres mots, d'autres expressions, d'autres tournures se présentent à mon oeil, et je veux souvent les mieux connaître. Donc, saut dans d'autres pages, dans un autre tome ou dans un autre dictionnaire...Un jeu de découvertes ou de poupées russes dont je ne me lasse pas, même après plus de vingt-cinq ans de fréquentation des dictionnaires anciens. Au final, je retiens les mots ou les expressions qui intéresseront, selon moi, une personne cultivée. 
Dans les prochaines semaines je publierai un autre article sur Hiroshima puis je continuerai ma présentation des dictionnaires de l'Académie française avec la cinquième édition, celle de 1798. Je remonterai ensuite le temps avec la présentation des éditions de 1762, de 1740, de 1718, pour finir avec celle de 1694. Ce projet va comme un escargot mais il avance.
Je remercie tous mes lecteurs, fidèles ou de passage.
Vous pouvez me joindre pour des questions ou des commentaires privés à l'adresse : pierrebouillon1@gmail.com .
Je vous souhaite de bien profiter des dernières semaines de l'été.
P.S: La définition, partielle, du mot "an" qui coiffe cet article, et que masque la vieille montre Waltham qui est un peu le sceau du blogue, est celle de la première édition du Dictionnaire de l'Académie française (1694).

vendredi 30 juillet 2010

HIROSHIMA. Armen Shamlian, celui qui a pris la photo historique du départ du bombardier "Enola Gay".

La photo qu'on voit ici, en haut, marque dans les mémoires le décollage de l'avion "Enola Gay" qui fera le premier bombardement atomique de l'histoire : Hiroshima. On y voit le pilote Paul Tibbets, saluant de la main, à bord du bombardier, le 6 août 1945, alors qu'il s'apprête à décoller avec son équipage de la base militaire de Tinian. Les douze hommes, car ils sont douze à bord, emportent la bombe atomique qui détruira Hiroshima dans un ouragan de feu.
Ce qui est moins connu, c'est le nom du photographe. Il se nomme Armen Shamlian. C'est lui qui a demandé au pilote Paul Tibbets de saluer et de sourire pour la postérité. Sur l'envoi autographe monsieur Shamlian a précisé que la photo a été prise à 2h45 AM. De cette photo, qui est dans les livres d'histoire, le photographe a eu la gentillesse de m'en tirer une copie originale, avec l'autographe en prime.
J'ai rencontré monsieur Shamlian en octobre 2005, à Arlington ( Virginie ), à l'occasion d'une réunion des vétérans de l'escadron atomique qui a bombardé  Hiroshima ( 6 août 1945 ) et Nagasaki ( 9 août 1945 ). Le président de la réunion, Robert Krauss, avait eu la gentillesse de me permettre de me joindre aux vétérans et à leurs familles. J'étais probablement le seul Canadien à cette réunion de vieux soldats. Voici une photo du photographe Shamlian et de moi avec, en mains, le livre d'histoire de l'escadron atomique "509th Composite Group" ouvert à une page où on voit la photo historique:
















Voici un gros plan de la page du livre. Ce n'est pas un doublon de la photo originale qui coiffe l'article. On voit qu'Armen, ici, écrit: "...P.S. I asked col Tibbets to wave + smile"  ( traduction : "...P.S. J'ai demandé au colonel Tibbets de saluer et de sourire" ) :


Dans les semaines suivantes, monsieur Shamlian, m'a aussi envoyé une belle photo qu'il a prise du bombardier "Enola Gay", au repos si je puis dire, en août 1945 :


Dans les années '90, un journal local, le "Star Ledger", a consacré un article à monsieur Shamlian. On y explique que le photographe a saisi sur pellicule l'histoire des bombardements atomiques. C'est monsieur Shamlian qui a développé les films aériens des explosions. Voici le collage, montrant l'article, que m'avait envoyé le photographe de guerre :

On voit bien que monsieur Shamlian était un photographe de talent, dans le champ et en laboratoire. Alors que je m'apprêtais à rédiger cet article j'ai voulu appeler ce vieux vétéran. J'ai eu la triste surprise d'apprendre, sur internet, qu'il est mort le 19 juillet. Il avait 86 ans. Je garde de lui le souvenir d'un homme souriant et attachant. Je regrette son départ. J'offre mes condoléances à sa famille.